2 min de lectureÉclat noir

Vendredi 8 janvier : « qui a acheté le dernier Bowie ? ». Mon ami G. venait de le recevoir, je le cite : « ça sonne superbe so far ». Dimanche : achat de l’album en ligne. Écoute tranquille en fin de journée, accompagnée d’une bière. Album apprécié, clip « Blackstar » qui marque l’esprit en raison de sa bascule évidente dans l’île des morts : Bowie avec sa maigreur, sa grâce androgyne, son bandeau sur les yeux comme déjà à moitié momifié, la tête de mort incrustée de diamants, ou Major Tom, un des doubles de Bowie, rendu à l’état de squelette… En rester là et se dire : « il me faut d’autres écoutes » comme pour tout bon album. L’on sait qu’il en faut deux, trois, quatre, et plus encore, pour apprécier les morceaux, fixer son attention davantage sur certains, bref faire son écoute de l’album.

Lendemain matin. Café avant de partir travailler, la radio en toile de fond. Déclaration : « David Bowie est mort ». Désarçonnée. Sortie du disque le 8, écoute le 10, annonce de la mort le 11. Alors on repense au morceau phare « Blackstar » bien sûr, mais surtout à « Lazarus » : « Look up here, man, I’m in danger /  I’ve got nothing left to lose ». Rideau tiré, mise en scène de sa propre mort, d’autant plus forte et esthétique que le travail dans l’ombre de celle-ci nous était caché. Élégante pirouette finale, testament en croches, superbe fin. En cette époque d’étalage de tout, et surtout du médiocre, que peut-on y voir sinon une précieuse étincelle de grâce ? Petite sans doute à côté de la crasse ambiante, mais présente malgré tout et que nous n’oublierons pas.

Maladie qui gagne du terrain, sept titres qui émergent avant l’extinction. Sept échos d’une sortie sur la pointe des pieds, là sans doute pour nous inviter, nous aussi, à rendre hommage au soleil noir, aux danses macabres et, dans l’attente, à brûler élégamment nos ailes…

« Oh I’ll be free / Just like that bluebird / Oh I’ll be free / Ain’t that just like me »

Lazare ne se relève pas et reste enfermé dans son armoire, mais les notes, elles, peuvent tinter longtemps aux oreilles des morts-vivants que nous sommes. À l’instar, peut-être, du chant d’un merle bleu. Pour l’heure, on songe davantage au merle noir, mais on ne doute guère de sa capacité à lui faire écho.

 

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