2 min de lectureLe pré des langues

« Qu’est-ce que le temps, un vague mal de tête peut-être, provoqué par la chaleur et l’effort. »

Annie Salager, Le pré des languesEntre plaines et collines, entre Rouergue et Quercy, entre inquiétude et joie, entre présent et passé…

La narratrice parcourt à vélo un petit coin de France, le Bas-Quercy, épousant ainsi les déclinaisons du paysage. Elle y retrouve les lieux qui, jadis, ont abrité son enfance et lui ont enseigné une langue, réceptacle de la mémoire, le coffret de strates profondes de celle-ci en tout cas.
Et la mémoire raconte : les pigeonniers qui ouvrent les portes du Lieu, sont comme le pouls de « ce petit pays », conduisant au seuil d’une partition d’existence.

C’est l’entrée dans le temps de la fable, du récit, le temps de l’enfance où le plus réel et le plus imaginaire se confondent. « Voyage au pays » comme le dit un poème du même titre, au cours duquel la narratrice retrouve un monde rural avec sa simplicité et ses déchirures, un patois dont émane le parfum de cette terre des souvenirs. « Son de petit pays » à la faveur duquel ressurgissent des pans de mémoire : les lieux d’enfance, les étals du marché, les gens du village, l’univers dépressionnaire de Gilberte, l’ami Henri, « le monde infini des prés où l’on n’avait pas vu le temps passer »…
Retrouvailles avec une langue, celle qu’elle ne devait pas apprendre et qui s’est immiscée en elle malgré tout, d’autant plus savoureuse qu’elle était interdite, celle des souvenirs que l’on retrouve d’autant mieux que l’on sait ce temps-là définitivement perdu, désormais inhabitable, sauf peut-être de manière fugace embarqué sur quelques sentiers connus…

Au bout du compte, capter un peu le silence de ceux qui ne parlaient guère mais qui ont fait vibrer en elle une seconde langue maternelle, retrouver les traces du grand-père et, au fond, la fragilité de notre passage ici-bas.

Pré des langues… Ces mots, comparables à des pièces de monnaie usées selon Nietzsche, apparaissent pourtant comme un ferment essentiel : celui de notre identité, sans doute toujours accidentellement constituée, sûrement défaite, mais qui s’agrippe en tout cas à quelques jalons : une terre, une langue, un vélo…

Le pré des langues
Annie SALAGER
Éditions du Laquet, coll. « Terre d’Encre »
2001
124 pages

>> Pour aller plus loin : se reporter à l’entretien avec Annie Salager

Parutions
  • Webzine Plumart, n°35, novembre 2001.
  • Revue L’Aleph, « Lieux et Non-Lieux d’Écriture », n°10, septembre 2002.

 

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