2 min de lectureSur les traces de Baruch

« Nous qui dessinons le faisons pour rendre visible quelque chose, mais aussi pour accompagner l’invisible vers sa destination indéchiffrable. »

bento_berger

Le philosophe Baruch (Bento) Spinoza conservait toujours sur lui un carnet de croquis. C’est ce que relatent en tout cas divers témoignages. Pourtant, le dit carnet ne fut jamais retrouvé.

John Berger a laissé son imaginaire partir sur les traces de ces esquisses perdues. Ses propres dessins ont pris forme sur les pages, se sont entremêlés aux textes, donnant lieu à un dialogue tout à la fois esthétique et philosophique.

 

Impressions

Je me suis sentie embarquée vers des images riches, épaisses, sensuelles et planantes. Je pense notamment à « la sensation de chevaucher une symphonie » à propos de la moto. À lire l’auteur, j’ai eu la sensation de retrouver la griserie de la conduite et le silence que « le tunnel de vitesse » qu’il évoque sait procurer.

Embarquée vers des pensées sondant l’intériorité, sans doute parce qu’essentiellement immaîtrisées. Cet enchaînement de séquences scandées irrégulièrement par les dessins de différente teneur – fleurs, animaux, objets, figures humaines – fait éclore de nombreuses images dans l’esprit, des pensées proches, mais aussi lointaines, comme immémoriales. Oui, l’entrelacs que John Berger a su créer entre ses textes et ses dessins comporte, à mes yeux, une capacité de stimulation de l’esprit du lecteur d’une rare intensité. Précisément parce que l’esprit n’est jamais désolidarisé des sens, de la voix du corps.
Ainsi, notamment, lorsque l’écrivain s’attarde sur le corps des danseurs « alternativement donneurs et dons » et de leur capacité à « se fondre en une seule unité ».

Presque tout au long, lorsqu’il s’arrête sur les corps, les visages pour en capter l’expression au plus près, je pensais à cette phrase de Spinoza que j’ai toujours gardée dans un coin de mon esprit : « nul ne sait ce que peut un corps ». Phrase qu’il ne cite pas, mais que j’ai eu l’impression d’entendre résonner au fil de nombreuses pages.

J’ai beaucoup aimé cette œuvre, car en raison même de sa composition – textes bigarrés, dessins délicats, citations de Spinoza et adresses au philosophe –, elle parvient non seulement à ramener l’esprit au plus près des pulsations du corps, mais aussi à atteindre une profonde poésie.

Lecture que j’ai trouvée exaltante, parce que profondément libératrice, libérant tour à tour les images, les sensations, les pensées…

Le carnet de Bento
John BERGER
Éditions de l’Olivier
2012
Traduit de l’anglais par Pascal Arnaud
176 pages

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