2 min de lectureSur les traces de Cézanne

« Comme Flaubert, jamais satisfait devant la page achevée et oubliant toutes choses pour elle, une volonté absolue, une sorte de sainteté le cloîtrait devant sa toile, le séparait de tout. »

Joachim Gasquet, Cézanne Il est des rencontres décisives, de celles qui donnent une forme d’assise à l’existence en lui ouvrant un champ précieux d’exploration. Gasquet a fait une telle rencontre en croisant les pas de Cézanne en 1896. Jeune poète, Gasquet a 23 ans. Cézanne 57. Meurtri par les critiques, blessé en amitié, le peintre fait montre d’un caractère ombrageux. Mais l’admiration sincère de ces jeunes yeux lui inspire confiance, faisant ainsi de Gasquet un confident privilégié. Suivra ce livre, hommage à l’homme et à sa démarche créatrice. Observateur minutieux doté d’une plume souple, l’auteur s’attache à montrer combien l’artiste était habité par son œuvre. De l’homme, il évoque la nature à la fois humble et acharnée au travail, son attachement viscéral à la terre provençale. Il s’attarde aussi sur ses humeurs contrastées oscillant entre lassitude et enthousiasme. Oscillation qui rejoint la tension essentielle de l’artiste, révélant l’exigence et le doute du créateur. Ce doute qui ronge et fait parfois vaciller l’être. Ce doute qui fonde l’exigence même. Les mots insistent sur cet œil du peintre ramassant tout sur son passage : la déclinaison des gestes, l’énigme des couleurs et des ombres, la vacillation des choses et des êtres.

Gasquet s’essaye ainsi à remettre en scène cette audacieuse partie de cartes entre Cézanne et son œuvre. Lettres, conversations donnent à voir comment le peintre a dompté ses élans romantiques, s’est glissé dans la trame du réel pour en extraire les volumes essentiels, traduire les couleurs en une juste apposition.

Un cheminement qui permet de saisir quel a été l’effort de l’artiste pour mener la phrase picturale à « la perpétuité colorée du sang » capable de se résoudre en un frisson. Sueur et chair des idées. Expression de la dimension profondément spirituelle de la peinture de Cézanne.

Une lecture édifiante qui fait de Gasquet non un simple amateur fasciné, mais plutôt selon le terme nietzschéen un co-moissonneur qui sait nous inviter à retourner au pied des montagnes victorieuses.

Cézanne
Joachim GASQUET 
Éditions Encre marine
2003
372 pages

Parutions
  • Livre et Lire, mensuel du livre en Rhône-Alpes, n°182, mars 2003.

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